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A compter de ce mois-ci, je vous propose un feuilleton en 6 épisodes...
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                                            Chapitre 1

 

     Tremblez enfants et parents du monde entier car le Mange-Doudou s’apprête à revenir parmi nous. Jadis, les moines Chouketin réussirent à maîtriser ce terrible destructeur de quiétude. Après une lutte acharnée, ils parvinrent à l’enfermer pour toujours dans un vanity-case enchanté. Pour toujours ? Cette affirmation fut longtemps vraie. Tant qu’il y avait un moine pour veiller, le Mange-Doudou resta sagement enfermé dans la valisette de voyage. Avec les âges, l’ordre des Chouketins dépérit, et le monstre fut libéré.

 

     Iris n’est pas une fleur. Enfin, pas celle-là en tout cas. Elle vous le dira, elle est une petite fille. Haute comme trois pommes (et demie), sa voix surpasse le son du clairon et son tempérament l’imprévisibilité des mers. Mais les tornades d’une enfant de trois ans (et demi) ne provoquent en définitive que quelques douleurs aux tympans. Après la pluie le beau temps, les tempêtes ne durent jamais éternellement. Et quand le calme revient sur l’océan, les enfants sont si charmants.   

     Iris a des parents et même un grand frère. Mais ils sont si peu importants pour cette histoire que cela ne vaut pas vraiment la peine de les présenter. Des gens très bien, m’a-t-on conté, cependant trop âgés ou anxieux pour se voir encore confier les clefs du monde imaginaire. Précisons à ce sujet que l’appellation « monde imaginaire » n’est ni une AOC ni une désignation correcte dans notre cas. Car, s’il n’a aucune tangibilité dans notre dimension, ce monde là n’en est pas moins réel. Ainsi, affirmer qu’il n’existe pas est faux mais soutenir le contraire n’est pas complètement vrai non plus. De toute façon, étant de notoriété publique que la vérité (et une partie non négligeable de ce qu’ils engloutissent) sortent de la bouche des enfants, cela ne viendrait à personne de remettre en question l’existence d’un monde imaginaire ou encore l’amitié entre une petite fille de trois ans (et demi) et un gentil loup vert nommé Diamant.

 

     Il reste des sceptiques dans l’assistance. Je les vois, ils arborent une moue dubitative ou un air incrédule. Les pauvres, ces gens ont oublié leur enfance et avec, les innombrables responsabilités qui en incombent. Souvenez-vous ! Cherchez au fond de vos souvenirs ! Retrouvez le moment où, vous aussi, vous étiez un gardien… Vous voyez ?

Un gardien de quoi ?

Comment ça ? Un gardien de quoi ? Qui a posé la question ? … Ah oui, quand même, ça fait du monde. Donc vous ne vous souvenez de rien ? … Non non, c’est pas la peine de répondre.

Bon, reprenons pour tous ceux qui ont oublié. Les enfants sont les gardiens de l’existence du monde imaginaire. Ils en possèdent les clefs grâce auxquelles ils peuvent s’y rendre à volonté. Là, d’extraordinaires aventures les attendent. Mais les

dangers sont omniprésents et la peur menace en permanence l’intégrité de cet univers. Afin d’éviter que les adultes ne s’inquiètent, les enfants s’y rendent le plus souvent durant leur sommeil : pendant la nuit ou au moment de la sieste. Puis, à mesure qu’ils grandissent, les choses sérieuses accaparent leur esprit et ils enfouissent généralement les clefs sous les méandres de leur conscience.

Ça y est ? Vous vous rappelez maintenant ? … Non, toujours pas. Ce n’est pas grave, continuons…

 

     L’univers aux couleurs chatoyantes dans lequel Iris évoluait était une petite forêt. Un de ces typiques « bois à loup » qu’on trouve dans les contes comme Le petit chaperon rouge. Et, ce petit bois n’était pas inhabité, car, n’était-ce point les mignons petits couinements des louveteaux de Diamant qu’on percevait au loin ?

Ah, oui, Diamant est une louve et elle a cinq magnifiques louveteaux verts (ou sept, tout dépend de la version de l’histoire). Tout ce beau monde vit dans un charmant petit domaine dont le crédit est presque entièrement payé.

Ces temps-ci, les enfants égarés se font bien rares. Mais cela n’a aucune importance pour Diamant et ses petits car ils sont tous végétariens. Ce qui explique en grande partie l’éclatante couleur verte de leur fourrure. Un peu à la manière des flamants roses dont la robe puise sa couleur dans leur alimentation. Et comme le dit le proverbe : quand les loups mangent du chou, les petites filles sèment les cailloux.

 

     Certains se demandent peut-être si le langage universel existe, rassurez-vous, il existe. La profonde et simple compréhension de tous, sans le moindre effort d’apprentissage. Il est dans le monde imaginaire et facilite énormément la communication entre les êtres. Quand on pense qu’il suffirait qu’un enfant le ramène d’une sieste pour que le langage universel règne de nouveau dans notre monde…

— Bonjour Diamant, comment tu vas aujourd’hui ? 

Imaginez que sans le langage universel, cette phrase distinctement prononcée par Iris aurait plutôt donné quelque chose comme : bôzou iamân, queuïa ozou-doui.

— Bonjour Iris, tu tombes bien. Quelque chose de terrible vient d’arriver dans le monde imaginaire. 

Maintenant, imaginez cette phrase prononcée par un loup vert végétarien.

— Qu’est-ce qui se passe, Diamant ? 

— Quelqu’un a libéré le Mange-Doudou. 

— Quoi ? Le Mange-Doudou ? Mais qu’est-ce que c’est le Mange-Doudou ? s’enquit la fillette inquiète.

Dans la petite forêt aux innombrables couleurs merveilleuses, les louveteaux couinèrent en entendant le nom du terrible monstre.

                                                                                   Chapitre 2

Ninja Chouket contre le mange-doudou
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      On raconte que le Mange-Doudou était à l’origine le premier lieutenant de Lucifer, pas moins. Un jour qu’il pensait être en congé, il emmena toute sa petite famille de démons à Narbonne pour profiter d’une semaine au calme. Mais il se trompait, il n’était pas en congé cette semaine là. Alors, pour le punir, le Diable décida de l’anéantir définitivement. Tel châtiment peut paraître disproportionné, mais c’est le Diable après tout. Toutefois, je vous l’accorde, à cette période là, le Seigneur des Ténèbres était un peu sur les nerfs.

     Bref, le lieutenant déjà banni du Paradis se retrouvait désormais interdit de séjour sur Terre et en Enfer. Juste avant de disparaître, il réussit toutefois à s’accrocher à un petit univers aux couleurs chatoyantes truffé de joyeux lutins en vadrouille. Il y sema la terreur et devint le Mange-Doudou qu’on connaît actuellement. Bien sûr, il existe beaucoup d’autres versions de cette légende. Chaque contrée, chaque époque a façonné cette histoire à l’image de ses peurs. Il paraîtrait même qu’une variante impliquerait un ancien président qui voulait être grand.

 

     Tapi au cœur du monde imaginaire, le Mange-Doudou subissait en silence. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, contraint d’errer parmi les couleurs criardes et les formes simplettes. Toute la joie de vivre et le bonheur qui irradiaient les lieux étaient autant d’agressions insupportables. Et il finit par oublier qui il avait été. Toutefois, il se rappelait deux choses : il devait se venger et il était méchant.

     A force d’errer sans but dans le monde imaginaire il perçut le noir. Le noir, cette limite à la création, à la connaissance, à la quiétude, à tout. Et dans le noir, il vit la peur. Il ressentit que ce sentiment lui avait toujours été agréable, comme une douce chaleur intérieure.

     Le Mange-Doudou est un être terrifiant, et le mot est faible. Les monstres-de-dessous-de-lit et les croque-mitaines ne sont que des mignons petits lapins roses comparés à lui. Il les maîtrisa et les enrôla pour accomplir la première phase de son plan diabolique.

     C’est justement son sinistre dessein qui lui valut son nom. Car dans l’ombre du monde imaginaire, l’horrifilifiant monstre s’apprêtait à semer le chaos et la destruction sur la Terre (enfin, encore plus que d’habitude). Il avait l’intention de dévorer tous les doudous de la planète. Tout d’abord parce que ces adorables peluches étaient très nourrissantes, et ensuite pour propulser le monde vers sa fin. Mouhahaha ! Mouhahaha !...

     … Heu… … J’en vois qui sont sceptiques quant au plan diabolique. Certainement des gens sans enfant. Bon, je reprends pour ceux qui ont oublié que les enfants c’est chiant, contraignant quand ils sont fatigués. Eh oui, ça peut paraître dur à croire mais le sommeil de ces mêmes petits chérubins est la clef d’un fragile pilier qui soutient notre existence. Ces quelques heures de dodo quotidien sont autant de moment de tranquillité bénite pour des parents au bord de la folie. Imaginez maintenant qu’on les prive de ces courts mais indispensables instants de repos.

     Et bien sûr, pas de dodo sans doudou. Je vous laisse donc imaginer l’importance que représente finalement cet insignifiant morceau de tissu à tête d’ours, de tigre ou n’importe quel autre animal mignon. J’ai vu des parents faire plus de trois heures de route pour revenir chercher le doudou oublié au restaurant le midi même. La paix incarnée dans une peluche de quelques centimètres. A lire absolument : L’Apocalypse selon le Mange-Doudou, un ouvrage référence qui détaille toutes les étapes du plan du monstre et de ses projets pour la suite.

 

     Pour commencer, le Mange-Doudou envoya ses troupes en repérage. Les croque-mitaines, les méchants loups, les vilaines sorcières, fantômes et autres monstres pas gentils eurent pour mission de localiser et répertorier toutes les cibles potentielles. Furent identifiés comme tel, les doudous de premier choix, de second choix et de remplacement, parfois même de simples torchons. Puis, le terripilant Mange-Doudou entreprit de dévorer un par un les objectifs désignés. A mesure qu’il évoluait dans sa besogne, le monde sombrait vers les ténèbres.

Heureusement, un ordre ancestral de moines-bébés veillait à l’équilibre de l’univers. La confrérie des Chouketins envoya ses meilleurs prêtres-ninja. La lutte dura longtemps, très longtemps. D’innombrables siestes et nuits de sommeil occupèrent les moines. Les cauchemars furent nombreux et effrayants. Finalement, les moines parvinrent à enfermer le Mange-Doudou dans un vanity-case enchanté. Ils promirent d’y veiller jusqu’à la fin des temps.

 

Mais le monstre s’est échappé…

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